Dommage pour la langue!

Manuel Segovia et Isidro Velázquez, les derniers locuteurs de l’ayapaneco (AFP-DR)
L'ayapaneco est l'une des 2500 langues menacées d'extinction, faute de locuteurs. La scolarisation en espagnol obligatoire depuis le milieu du XXème siècle au Mexique, et avec elle l’interdiction faite aux enfants de parler les langues indigènes, ont largement contribué à sa quasi disparition. Ajoutons à cela les migrations de populations vers les années 70, l'urbanisation et la mondialisation, d'une quarantaine de locuteurs d'ayapaneco il y a 40 ans, il n'en reste plus que deux.

Deux locuteurs seulement et pourtant: Manuel Segovia, 75 ans, et Isidro Velázquez, 69 ans, ne s’adressent plus la parole, à cause d'une vieille querelle que personne n'a pu identifier.

Des spécialistes du projet national Gardiens de la Tradition ont tenté de convaincre Manuel et Isidro de collaborer à un projet visant à éditer un dictionnaire et une grammaire pour  sauver la langue ayapaneco, mais ce fut peine perdu: les deux linguistes qui vivent pourtant à une centaine de metre l'un de l'autre n'ont plus rien à se dire. 

Dommage, pensent les experts. Pourtant, même si les deux locuteurs de l'ayapaneco n'étaient pas en froids, pour que la langue perdure, il aurait fallut qu'ils la transmettent à leurs enfants et petits enfants, ce qui apparemment n'a pas été fait.

La difficulté à laquelle se heurtent les spécialistes linguistiques américains, qui inlassablement ont tenté de tendre le micro à Manuel et Isidro, pour analyser, classifier et consigner les mots, leur sens et leur prononciation, s'arrachent les cheveux: L'un et l'autre des locuteurs de l'ayapaneco ne sont pas d'accord sur l'exactitude des termes et le vrai sens des mots.  

Qui a raison? a priori, les linguistiques ont pris le parti de faire figurer dans leur manuel les deux variantes proposées par l'un et l'autre des locuteurs, puisque ces derniers refusent de se mettre d'accord. 

Dommage pour la langue